VILLENEUVETTE : ANCIENNE MANUFACTURE ROYALE DE DRAPS

France, Occitanie, Hérault

Villeneuvette est un petit village blôti au coeur du département de l’Hérault dans la région Occitanie à 40 minutes de Montpellier. Sa fondation date du XVII°siècle. Ce n’est pas un village comme les autres puisque c’est un village usine. C’était une ancienne cité drapière fondée par un marchand drapier de Clermont l’Hérault au XVII° et qui devint sous Colbert une Manufacture royale de Draps pour le roi et les troupes royales. Son activité perdura jusqu’au milieu des années 1950 et depuis l’activité industrielle s’est tue pour laisser la place à un havre de paix . Quel plaisir de flâner à l’ombre des platanes centenaires et des petites ruelles de ce village qui autrefois était fermé le soir, les ouvriers étant en communauté. Entouré de bois et des vestiges de canaux d’irrigation, vous pourrez découvrir au fil des chemins de promenade des traces d’aqueducs, de béals, de canaux, de bassins car l’eau avait une importance primordiale pour la confection des textiles. La Dourbie, une charmante petite rivière, traverse le village. Aujourd’hui, le village est en restauration et le coté industriel disparaît peu à peu mais la mémoire des habitants est toujours là sur la passé de Villeneuvette, Ville-Nouvelle…

« Nous avons approuvé l’établissement qui a été fait sous notre bon plaisir d’une Manufacture de draps à Villeneuve-lez-Clermont, diocèse de Lodève en notre province de Languedoc» Louis XIV edit du 20 juillet 1677

Un Peu d’histoire:

Louis XIV était au pouvoir depuis quelques années et avait comme ministre Colbert. Le roi décida de crée une manufacture royale de draps prés de Clermont à Villeneuvette. C’est une compagnie de riches capitalistes parmi lesquels André Pouget qui finança en partie les travaux de l’usine. Le lieu fut choisit en fonction de sa typographie et de la présence d’une petite manufacture appelée « vieille manufacture » fondée par un marchand drapier clermontais Pierre Baille vers 1667. Il y avait beaucoup d’eau ce qui était idéal pour l’industrie de ce type. Une « ville » fut crée entièrement et obtint son indépendance sur lettre patente du roi. Les débuts de la manufacture furent difficiles et les frais de fonctionnement n’étaient pas couverts. La compagnie fut dissoute en 1703 et Mr Pouget vendit l’usine à Mr Castanié d’Auriac. En 1768 elle est vendue à Mr Raymond Ronzier, en 1788 à André de Chambert de Saint Martin qui la revendra en 1793 à Denis Gayraud. Enfin en 1803 la famille Maistre acquiert la manufacture qui est en pleine expansion à cette époque avec plus de 500 ouvriers. Elle fut dirigée par Hercule et Casimir Maistre. Elle fabriquait des draps de pour les troupes royales ou pour le commerce avec les Echelles du levant. Elle logeait 200 ouvriers et leurs familles mais il y eut plus de 800 travailleurs qui fabriquait différentes sortes de draps pour la France ou pour l’étanger . La manufacture de Villeneuvette a été, après celle de Saptes (Aude), le deuxième établissement créé en Languedoc pour l’exportation de draps au Moyen-Orient. Elle est restée, jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’un des plus beaux fleurons de cette industrie qui fit longtemps la fortune de la province. C’est dans cette perspective plus large qu’il faut en comprendre le démarrage et l’évolution. Après des débuts difficiles, propres à tout démarrage industriel, la fabrique languedocienne de draps fins entra dans une phase de grande prospérité, qui se prolongea jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, malgré un ralentissement dans les années 1770-80 dû essentiellement aux difficultés de l’Empire Ottoman. Chaque année, entre 50000 et 100000 pièces de drap destinées au Levant et constituées par conséquent majoritairement de londrins du Languedoc, étaient admises au bureau de Marseille. Ces draps représentaient alors plus de la moitié des exportations vers le Moyen-Orient dont la valeur totale dépassait, vers 1785, les vingt millions de livres.Restée propriété des créanciers d’André Pouget, puis de son frère Honoré, qui l’acheta en 1703 pour la somme de 142 000 livres, la manufacture de Villeneuvette fut dirigée, entre la fin du XVII° siècle et le début du siècle suivant, par des hommes opérant pour le compte de sociétés exploitantes dont ils étaient eux-mêmes actionnaires en particulier, Pierre Barthe, originaire de Limoux, de 1694 à1698, puis son fils Thomas, et plus tard, de 1703 à 1720, le clermontais Pierre Astruc et son fils. Durant cette période, Villeneuvette produisait annuellement 800 à 1 000 pièces et faisait battre une cinquantaine de métiers. Honoré Pouget vendit Villeneuvette en 1720, pour 110000 livres de capital et 14 000 livres de rente viagère, à un nouveau propriétaire, Guillaume Castanier d’Auriac (1670-1725), fils d’un drapier de Carcassonne, qui avait créé une nouvelle manufacture aux portes de la ville et déjà racheté celle de Saptes.Gouvernée par ce puissant marchand, puis par son fils, Guillaume (1702-1765), qui devint conseiller au Parlement de Toulouse, puis Conseiller d’Etat, Villeneuvette connut, entre 1720 et 1750, un nouvel essor. Elle était alors dirigée par un cousin des Castanier, Pierre Louis Bourlat de Jouarre qui travaillait avec ses frères, installés l’un à Marseille, et le second à Constantinople. Autre avantage, François Castanier (1675-1759), le frère de Guillaume, banquier parisien, grand bénéficiaire du système de Law, se trouvait être l’un des principaux directeurs de la Compagnie des Indes, à qui la manufacture vendait par conséquent une grande partie de sa production. Celle-ci atteignait, en 1729, 1 650 pièces fabriquées par 90 métiers. Grâce aux profits accumulés, l’on bâtit une plus vaste chapelle et deux nouveaux portails, l’on rénova le manoir de la fabrique et l’on aménagea un jardin à la française, orné d’un majestueux buffet d’eau. Qua­rante-sept logements de tisserands furent également construits ou reconstruits. Affaiblie peut-être par une concurrence trop vive, et n’ayant plus à sa tête des hommes aussi décidés qu’auparavant, Villeneuvette connut des années difficiles dans le courant des décennies 1750 et 1760. Elle fut vendue en 1768 pour 80 000 livres par la nièce de Castanier à un fabricant de Clermont, Raymond Ronzier, qui en porta la production à près de 2 000 pièces. Son gendre, André Chambert de Saint-Martin, la reprit en 1788, avant qu’elle ne passe en 1793, dans un état plutôt médiocre, à Denis Gayraud, l’oncle de celui qui en fut le rénovateur au début du XIXe siècle, le clermontais Joseph Maistre.

La famille Maistre: 1803-1954

Au XIXe siècle, une famille d’entrepreneurs languedociens succède aux grands financiers parisiens à la tête de Villeneuvette: les Maistre. Joseph Maistre, négociant en laines et propriétaire d’une tannerie à Clermont-l’Hérault, hérite d’un sixième du domaine et rachète leurs parts aux autres cohéritiers, en 1803. Les enfants et petits-enfants partagent le goût des affaires. Ils dirigent l’entreprise à sa suite jusqu’en 1954.

L ‘entreprise : Joseph Maistre adapte la production de Villeneuvette à la nouvelle situation économique du XIX° siècle. En effet, Si les longues guerres de la Révolution et de l’Empire ont perturbé les exportations vers le Levant, la période a apporté aux entrepreneurs de nouvelles possibilités avec la suppression des « monopoles de fabrication », privilèges concédant à une seule entreprise la fourniture de la totalité d’un produit. C’est le cas de Lodève qui produisait jusqu’en 1789 tout le drap nécessaire à l’habillement de l’armée royale. Joseph Maistre s’introduit dans ce marché des fournitures militaires. Il obtient, dès 1804, des commandes de l’Etat et spécialise Villeneuvette dans la production de drap de troupe. Lui et ses successeurs suivirent également le progrès technique : ils adoptent toutes les nouvelles machines anglaises et beiges pour la filature et le tissage des draps. D’un rang moyen par rapport aux « concentrations usinières » de Clermont-l’hérault et de Lodève, la manufacture n’en rapporte pas moins un profit important à ses propriétaires. Dans les années 1870, quatre cents ouvriers travaillent pour Villeneuvette, le produit annuel de l’usine variant entre huit cents et neuf cents mille francs. Le règlement cette époque était très strict.

De plus, les Maistre « agriculteurs » mettent en valeur les terres cultivables du domaine en friche à leur arrivée. Un cinquième de ce terroir porte de la vigne, du blé, de la luzerne. L’entreprise agricole a une double utilité : elle fournit un revenu complémentaire au profit industriel, elle emploie les ouvriers de l’usine en période de chômage.

Une grande famille

La famille Maistre était proche de ses ouvriers. Ils fournissent à leurs ouvriers le logement : 98 habitations construites au XVIIe siècle pour les travailleurs de la manufacture jouxtent les ateliers. Les employés de Maistre y logent eux aussi gratuitement, faisant vivre ce petit quartier d’habitation pendant toute la période industrielle. . De plus, Joseph Maistre lotit le jardin d’agrément qui doublait au Nord la superficie de la manufacture et distribue une parcelle à chaque famille. Ce lopin constitue une base de l’alimentation non négligeable. Le pain et la viande vendus à bas prix s’ajoutent à ces avantages. Les ouvriers reçoivent le droit à l’instruction et à « l’assurance sociale ». Dès 1803 l’obligation scolaire est établie pour tous les enfants jusqu’à douze ans. Deux instituteurs leur dispensent l’enseignement élémentaire dans l’école communale, L’école est cofinancée par la famille Maistre et les ouvriers, comme la Mutuelle appelée ici « Caisse d ‘Épargne »et fondée en 1818. Chaque m­nage donne six francs par an à celle-ci, le patron verse le double de l’ensemble des cotisations ouvrières. Sur cette réserve il distr­bue des allocations à tout ouvrier malade pendant la période où il ne peut travailler. De la sorte, le « chômage forcé » n’entraîne pas la pauvreté et l’on évite la précarité de la condition ouvrière où la survie dépend du salaire quotidien. La journée de travail commence à cinq heures et demie le matin par un appel au tambour et elle se termine à cinq heures le soir. A partir de neuf heures, on ferme les portes et les ouvriers sont tenus de passer la nuit dans l’enceinte de Villeneuvette! Certains d’entre eux, peu nombreux, préfèrent quitter la commune mais la plupart demeurent et il est des exemples étonnants de familles résidant à Villeneuvette pendant deux cents ans. Cette situation ne pouvait qu’avoir des répercussions politiques. Lors­qu’en décembre 1851, participant au mouvement de protestation contre le coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, les ouvriers des villes textiles de l’Hérault prennent les armes, on trouve à Villeneuvette la réaction inverse. Les habitants s’arment aussi, mais pour lutter éventuellement contre leurs voisins républicains! On se doute bien qu’un tel système au cœur du «Languedoc rouge» à proximité de villes républicaines comme Clermont-l’Hérault et Lodève fut l’objet d’acerbes critiques. Les socialistes ne furent pas les seuls à dénoncer dans le « système Villeneuvette » une forme d’esclavage des ouvriers.

Il reste que l’entreprise est remarquable par sa longévité. Les difficultés économiques seules y mirent un terme. Après avoir tourné à plein entre 1914 et 1918, les ateliers subissent dans l’entre-deux-guerres une diminution irrémédiable des commandes de l’État. Celui-ci s’adresse à des centres de production plus compétitifs. La Première Guerre mondiale marque également un tournant dans la vie de la communauté ouvrière qui commence à s’affirmer par des revendications et un début d’organisation autonome. Le 23 juin 1917, la première grève de l’histoire de la manufacture éclate à propos des salaires. Les Maistre accordent aussitôt les augmentations récla­mées, qui varient entre 12 % et 43 % selon les catégories, et le travail reprend le lendemain. Le premier et unique conflit de Villeneuvette n’a duré qu’un jour. En 1935 des ouvrières fondent une section locale de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne. Et l’année suivante les ouvriers se regroupent en syndicat mais, s’affiliant à la Confédération Française des Travailleurs Chrétiens, ils marquent bien, par leur choix, leur opposition aux grèves de juin 1936. Dans les années 1950, la modernisation, la diversification de la production restent des éventualités non adoptées par le chef d’entreprise et Villeneuvette ferme ses portes en 1954.

Les draps :

Les draps fins du Languedoc les plus appréciés au Levant s’appelaient « londrins seconds ». Leur légèreté convenait particulièrement aux caractéristiques du marché oriental, bien qu’ils fussent en réalité de troisième qualité, derrière les draps dits « mahoux » et « londrins premiers ». Ces londrins se vendaient en pièces de 15 à 16 aunes de long (18 à 19 mètres) et d’1 aune 1/6 de large (environ 1,40 m). Ils étaient confectionnés exclusivement en laine mérinos espagnole, Soria pour la chaîne et Seconde Ségovie pour la trame. Leurs couleurs étaient vives et variées, comme en témoignent les dénominations suggestives figurant dans les descriptions d’assortiments: violet et pourpre cra­moisi, bleu céleste, jonquille ou vert de choux…

La fabrication de telles pièces constituait un travail complexe. Elle supposait la mise en oeuvre d’une bonne vingtaine d’opérations qui faisaient intervenir une dizaine de corps de métiers différents.

Une particularité:

La grande originalité de la manufacture de Villeneuvette était d’être implantée en milieu rural. Cette situation, rare pour une manufacture de draps fins, conduisit ses entrepreneurs à adopter une organisation tout à fait inédite. Non seulement, ils rassemblèrent, au sein d’un même établissement cerné de murs, la totalité des ateliers y compris celui des fileuses et deux moulins à foulon. Mais, en plus, pour favoriser le maintien sur place d’une main d’œuvre qualifiée, ils construisirent dès l’origine, à l’intérieur de l’établissement, une véritable petite cité ouvrière qui comprenait déjà 66 logements en 1681. C’était la seule façon d’attirer et de retenir les ouvriers venus d’ailleurs, notamment au départ les spécialistes hollandais du nom de Vandyck, Vandoor ou Trintrop, transfuges de la manufacture de Saptes, qui apportèrent le savoir-faire initial indispensable. Tout fut fait, de plus, pour organiser un maximum d’autarcie, grâce à la mise en place, dès le XVIIe siècle, d’une sorte d’économat, vendant en boutiques des denrées de première nécessité, telles que blé, huile, vin, viande et poisson, et plus tard l’installation de menuisiers, serruriers, boulangers apothicaires et médecins. Une chapelle fut même construite dès l’origine. Ainsi, la manufacture devint-elle rapidement un vérit­ble petit village, d’où le nom de Villeneuve-lès Clermont qu’elle acquit en 1677 lorsque, par lettres patentes royales, elle fut érigée en communauté d’habitants indépendante. Cette autonomie ne l’empêchait pas cependant d’entretenir d’étroites relations avec son environnement local.En particulier, dépendait d’elle un terroir qui comprenait deux moulins à blé et une métairie hébergeant 800 moutons dont elle tirait, ainsi que du potager installé dans son enclos, une partie de sa subsistance. De plus, ses ouvriers ne travaillaient et ne logeaient pas tous sur place. Vers 1730, sur les 7 à 800 ouvriers qu’elle employait, 200 seulement habitaient dans la cité. Les autres vivaient dans une douzaine de villages, à moins d’une vingtaine de kilomètres de l’établissement central.

A voir :

L’accès à la Cité de Villeneuvette se fait à partir de la RD 908 par une allée ombragée de platanes centenaires. Jusqu’au XIXe siècle l’allée était la route de Clermont à Bédarieux qui traversait la manufacture. Entre 1848 et 1875, le Service des Ponts et Chaussées établit une déviation et construisit le pont sur la Dourbie. Cette allée conduit devant l’entrée principale de la manufacture . On a alors devant soi le fronton de l’établissement avec, à gauche, la facade de la chapelle. Sur l’entablement de la porte monumentale on distingue encore l’inscription : MANUFACTURE ROYALE; le fron­ton qui la surmonte et qui porte la devise: HONNEUR AU TRAVAIL est probablement une adjonction du XIXe siècle

Une vingtaine de bâtiments s’ordonnent selon un plan orthogonal, autour d’une place rectangulaire et le long de rues relativement large (trés différents des villages typiques languedociens). Les constructions occupent ainsi une surface presque carrée, large de cent cinquante mètres environ. Les trois portes qui constituent encore aujourd’hui les accès principaux permettaient un contrôle strict de la circulation des personnes et des biens.

La place rectangulaire, place Louis XIV, distribue l’ensemble des bâtiments dont les principaux ont été bien identifiés comme la chapelle, par exemple, les bâtiments ayant abrité un certain nombre d’artisans ou de services, et les cinq «blocs» de logements, à l’ouest de la place et le long de la Grand’rue, le Manoir de fabrique et les ateliers.

Ces divers bâtiments présentent des caractères communs: constructions à deux niveaux (rez­ de-chaussée et comble à surcroît), couverts de grands toits avec des génoises à trois rangs, Les Ouvertures sont disposées en travées régulières reflétant la disposition intérieure. Les volets sont de couleurs vertes.

Un quartier cependant échappe à cette ordonnance, celui de la Calade, composé d’une rue au tracé irrégulier qui relie le village à la Dourbie ; les constructions ne semblent pas participer de la même volonté que dans le reste du village: elles sont plus petites, et ressemblent aux maisons rurales que l’on trouve dans les villages voisins.

En 1673 et 1675, Pierre Baille marchand de Clermont, fait l’acquisition d’une métairie et de moulins à blé et à foulon dans la plaine de la Dourbie et au bord de la rivière. Dans cette même période, il fait des travaux d’agrandissement importants, établit une teinturerie, un local pour six métiers et construit une glacière: ces travaux semblent bien correspondre au quartier de la Calade.

La deuxième phase, la principale, est celle de Monsieur Pouget; elle aboutit à la construction de la manufacture entre 1677 et 1781. Le maître d’œuvre inconnu qui travaillait pour Pouget a conçu le plan d’ensemble décrit un peu plus tard (1681): « La manufacture est faite en forme carrée enclose de murailles avec trois belles portes, bien percées en rues et places.. ».

Il est également responsable du creusement du grand réservoir dont on peut dire qu’il est encore l’installation vitale de Villeneuvette. De plan rectangulaire (99 m. de long. sur 16 m. de large) ce grand bassin est constitué par un plan incliné taillé dans le grès et par une digue de 5,50 m. d’épaisseur destinée à retenir au sud et à l’est les eaux amenées par un canal.

La troisième phase est due sans doute à l’initiative de Castanier d’Auriac qui procède à des constructions ou reconstructions de logements pour les ouvriers, à celle de la chapelle; c’est à lui que l’on doit probablement le dessin d’un jardin et du grand buffet d’eau situés au nord de la manufacture.

Le XIX° siècle a respecté ce plan et utilisé, les installations existantes: création de l’usine à partir de 1860 le long du grand réservoir.

La visite :

La chapelle, de plan rectangulaire, ne présente guère de recherche architecturale. C’est pourtant un des bâtiments les mieux connus: la description de 1740 nous dit en effet qu’on « bâtit actuellement une nouvelle église pour servir de paroisse aux habitants ». Chapelle privée de la famille Maistre, elle conserve un décor peint daté de 1870 et signé du peintre D. Pauthe. On y voit une iconographie et des inscriptions liées à la doctrine paternaliste de Le Play appliquée à Villeneuvette: représentation d’un archange terrassant «le Matérialisme et l’Athéisme », et l’inscription « Dieu bénit le travail », reprenant l’esprit de la devise du portail d’entrée de la manufacture.

La place Louis XIV a été construite à la fin du XVII° ou au début du XVIIIe siècle. Le bâtiment abritait au début du XIXe siècle, la mairie et l’école au milieu, les logements du portier et du maître d’école ainsi qu’une magnanerie.

La fontaine-abreuvoir au centre date probablement du XVIIIe siècle.

Les logements ouvriers, prévus dès l’origine, occupent cinq bâtiments perpendiculaires à la rue Colbert. Chacun de ces bâtiments est divisé en « cellules » identiques comportant une pièce et une alcôve par niveau, prenant jour vers l’intérieur de la manufacture par une porte et une fenêtre au rez-de-chaussée et une ou deux fenêtres à l’étage. Ces dispositions répétitives se traduisent en façade par le rythme des ouvertures. On a identifié cependant selon les bâtiments trois types de plans correspondant peut-être à trois types d’activités ou de statut social. Il n’est pas possible d’affirmer Si ces logements abritaient également une activité professionnelle. Ces constructions peuvent aussi bien avoir été construites pour Pouget, entre 1677 et 1681 que pour Castanier d’Auriac vers 1740. Seul, le long bâtiment nord avec son passage central est peut-être attribuable au premier. Ce passage est la porte nord de la manufacture; la grille qui la ferme peut dater de la fin du XVIIe siècle. Au-delà de la porte nord, s’étendait un jardin dont l’allée principale était axée sur cette dernière. Sur le côté sud on trouve un grand buffet d’eau dit « Grand Guillaume » (début XVIIIe siècle). A la fin du XIXe siècle on a empiété sur cet espace pour construire un local pour la machine à vapeur et la grande cheminée (1883), puis, au début du XXe siècle, deux bâtiments, en métal et verre, pour installer des métiers à tisser fonctionnant à l’énergie électrique.

On revient sur la place Louis XIV et on emprunte la Grand’rue en direction de la porte ouest. On trouve, à gauche, l’entrée de la rue de la Calade marquée par un pigeonnier dont le toit en pavillon est couvert de tuiles en écailles et les arêtiers ornés de tuiles émaillées (fin XVII début XVIIIe siècle). A l’extrémité de la rue qui descend vers la Dourbie se trouvaient des ateliers avec des moulins à foulon et des logements.

La Grand’rue domine ensuite un espace de jardin en pente douce vers la rivière: là se trouvaient les étendoirs. Elle est bordée, à droite, par le manoir de fabrique et, à gauche, par un bâtiment en rez-de-chaussée surélevé, construit à la fin du XVIIe et probablement destiné au tissage. Il a été doublé, au XIX° siècle, par un nouveau bâtiment où se trouvait la deuxième machine à vapeur et sa cheminée (dont il ne reste que le soubassement). Le manoir de fabrique, situé à l’extrémité du grand réservoir, est, dès la fin du XVIIe siècle, le cœur de la manu­facture et abrite dès ce moment les opérations de préparation de vérification de la laine. Cet édifice se distingue de l’ensemble des autres constructions par son étendue et par la présence d’un étage supplémentaire. Le pavillon cen­tral surmonté d’un campanile do­mine l’ensemble. Il contient un escalier à noyau ajouré datant de la fin du XVIIe siècle. C’est là qu’au XIXe siècle se trouvait l’entrée principale de l’usine que la famille Maistre édifia à partir de 1860 le long du grand bassin.

Au-delà de la porte ouest, un chemin prolongeait la Grand’rue dans la vallée de la Dourbie vers Mourèze. Dans cette vallée et sur la montagne de la Bruyère qui domine le village se trouve encore le double sys­tème d’adduction d’eau qui alimentait les installations manufacturières. Dès la fin du XVIIe siècle, un canal franchissant la Dourbie 500 mètres en amont de la manufacture grâce à un pont-aqueduc (dit « Pont de l’Amour ») conduisait les eaux d’une source jusqu’au grand réservoir. Au 19° siècle, les besoins en énergie hydraulique étant devenus considérables, il fut nécessaire de doubler ce premier réseau par un nouveau réseau qui captait l’eau sur la commune de Mourèze, il était constitué par un ensemble de canaux, de siphons et de bassins encore en place et utilisables.

Le pont de l’Amour :

Ce pont est en fait un aqueduc qui permettait à l’eau provenant du bassin située sur la colline au dessus de Villeneuvette d’aller jusqu’aux usines plus en contrebas. La légende veut que les couples passent ensemble sur ce pont main dans la main, s’embrassent au centre du pont et le traverse. S’ils y parvenaient, c’était le mariage assuré dans l’année. Si la promise n’arrivait pas à franchir le pont, le mariage était compromis. Il faut dire que le pont est étroit et qu’il y avait de l’eau qui y passait. Le traverser était très dangereux.

En bref :

Epoque préhistorique – Traces d’occupation humaine sur le territoire qui deviendra celui de Villeneuvette.

Epoque romaine – Habitats et nécropoles sont présents dans la vallée de la Dourbie. XIIC siècle – Installation de moulins hydrauliques à grains sur la Dourbie.

1666 – Création de la manufacture de Saptes (Aude).

1673 – 1675 – Première manufacture de Villeneuvette créée par Pierre Baille, 1676 – Prise de contrôle par André Pouget et la Compagnie de Sète. Extension de la manufacture.

1677 – La manufacture de Villeneuvette-les-Clermont est constituée en communauté indépendante.

1682 – Faillite de Pouget, prise de contrôle par la Compagnie du Levant.

1703 – Achat par Honoré Pouget.

1720 – Achat par Guillaume Castanier d’Auriac, propriétaire de Saptes.

1730 – 1740 – Rénovations et nouvelles constructions.

1740 – Construction de la nouvelle église dédiée à l’Assomption de la Vierge.

1768 – Achat par Raymond Ronzier.

1793 – Achat par Denis Gayraud.

1803 – Joseph Maistre, neveu par alliance de Denis Gayraud, achète la manufacture.

1804 – Début de la fabrication de drap militaire.

1818 Hercule et Casimir Maistre, fils de joseph, dirigent l’entre­prise; fondation d’une Caisse d’Epargne

1835 – 1853 – Construction d’une nouvelle route départe­mentale et du pont sur la Dourbie.

1851 – Les ouvriers de Villeneuvette s’arment pour défendre l’usine contre le mouvement des ouvriers républicains clermontais et lodévois.

1858 – Décès d’Hercule Maistre, Casimir est le seul patron.

1868 – Jules Maistre, fil de Casimir, succède à son père.

1870 – Décoration de l’église par le peintre Pauthe.

1877 – Excursion de l’École d’agriculture de Montpellier à Villeneuvette et description du domaine et de l’entreprise par le professeur F. Convert. Publication d’un mémoire d’A. et P. Fabre.

1900 – Le nombre d’ouvriers commence à diminuer.

1917 – Première et unique grève ouvrière.

1935 – Fondation d’une section féminine de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne.

1936 – Création d’un syndicat ouvrier affilié à la Confédération Française des Travailleurs Chré­tiens.

1944, 15 février – La porte d’entrée monumentale et les vestiges de la Fontaine du Jardin sont inscrits à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques.

1954 – Fermeture de l’usine.

2012: Restauration de l’entrée principale

2014 : classement aux Monuments Historiques de l’ensemble du village

2021 : Restauration des anciennes écuries

2022-2023 : Restauration du buffet d’eau et du Vivier

Les règlements de la Manufacture

Copie des règlements de la Manufacture de Villeneuvette en 1870

Article 1° : Nul ouvrier sera admis dans l’établissement :

1) S’il n’est muni d’un certificat de bonne vie et mœurs délivré par le Maire de la

commune ou d’un livret en règle ces pièces seront déposées à la Mairie.

2) S’il n’a pris connaissance des clauses et conditions du présent règlement

et s’il n’a promis de s’y conformer exactement sans restrictions aucunes.

3) S’il ne promets se conformer à la devise : Honneur au travail, se coucher de

bonne heure et se lever matin c’est fortune, sagesse et Santé.

Article 2eme : Les heures de travail sont fixées ainsi qu’il suit

De 5 h à 8 h du matin travail : de 8 à 9 h déjeuner de 9h à Midi travail

de Midi à 1 h : diner; de 1 à 3h travail ; de 3 h a 4h goûter, 4 a 8h travail.

Mais les enfants au dessous de 14 ans ne commenceront la journée qu’a 6h du matin en été, à 7H en hiver et la finiront le soir a 6h1 de manière qu’ils ne puissent travailler que de 8 à 9 h par jour, suivant les saisons. Aucun enfant au dessous de 9 ans ne pourra être admis au travail.

Article 3eme : Les prix des journées et des travaux à façon sont les mêmes ici qu’a Clermont, par conséquent les ouvriers trouveront ici l’économie de leur loyer qui lui est accordé gratis sous la réserve ci-après :

Il sera pris sur le salaire des ouvriers domiciliés dans l’établissement une retenue de un pour cent destinée a des dépenses communes a tous, telle que supplément pour Mr le Curé, subventions a l’instituteur ou a l’institutrice pour donner des leçons aux enfants qui travaillent, secours à des ouvriers que des malheurs pourraient rendre nécessiteux, honoraires des médecins, achat de médicaments.

Les fonds seront versées dans une caisse à trois clefs ; une des clefs est tenue par l’habitant le plus agé, une autre par un ouvrier désigné chaque année par les 12 plus anciens , la troisième par un chef d’atelier au choix du propriétaire.

les dépenses sont ordonnées par un comité de trois membres , l’un délégué par les 12 plus anciens, un chef d’atelier ou employé et le teneur de livres de l’établissement.

Article 4 : Tous les 15 jours le comité désigné au dernier paragraphe

dans l’article 3, fera un rapport pour indiquer a M.M les propriétaires les secours qu’il lui semblera devoir accorder; ce rapport portera aussi sur la conduite des ouvriers quant a l’exécution du présent règlement.

Article 5 : Tout ouvrier qui faute d’habilité ou par inconduite ,ni gagnait pas assez pour vivre convenablement lui et sa famille, et qui contractera des dettes pourra être renvoyé ,après avoir été prévenu au moins 15 jours a l’avance. Il en

sera dé même pour ceux qui se livreront au jeu ou qui ne se conformera pas au règlement.

Tout ouvrier, grand ou petit qui par son amour du travail, son esprit d’ordre, d’économie, sa bonne conduite , méritera des éloges, aura son nom inscrit sur un tableau a ce destiné ,il pourra recevoir quelque récompense pécuniaire quand l’état de la caisse le permettra. Des primes seront accordées a ceux qui feront beaucoup de bien.

Article 6 : Il est interdit de fumer dans les ateliers.

Il est également défendu d’y avoir quelque altercations et surtout des disputes. Tous propos ou chansons malhonnêtes ou obscènes ou contre la religion

sera sévèrement interdit. Des amendes de 10 centimes a 1 Franc pourra être infligée au profit du tronc commun, l’expulsion en cas de récidive.

La punition sera du maximum quand les propos auront été tenus en présence de quelques enfants.

Chacun devra tenir proprement l’endroit ou il travaille.

Article 7 : Les enfants devront assister a l’école et au catéchisme, soit le soir après le travail, soit dans la journée aux heures qui seront indiquées.

Ceux qui feront le plus de progrès pour leur instruction et qui seront signalés comme tels par l’instituteur ou l’institutrice seront inscrit sur le tableau d’honneur et recevront quelquefois des récompense pécuniaires.

En allant prendre leur repas ils devront se laver les mains et la figure ,en un mot doivent toujours se tenir proprement.

Nul enfant un peu malade ne sera admis à travailler que quand il sera complètement guéri.

Article 8 : Il est expressément défendu aux ouvriers, même aux parents de mal traiter ou battre aucun enfant sous quel prétexte que ce puis être.

Article 9 : Tout ouvrier, grand ou petit qui se permettra d’aller marauder à la campagne et sur lequel seront porté des plaintes fondées sera fortement réprimandé et renvoyé immédiatement en cas de récidive.

Article 10 : Nul ne pourra être renvoyé que pour cause d’infidélité

commise soit ici ou ailleurs et pour cause d’insubordination, a moins que ce soit pour manque d’ouvrage, soit aussi dans les cas précités dans les précédents articles.

Tout ouvrier qui voudra quitter devra avertir quinze jours avant.

Article 11 : Les propriétaires , sans prendre aucun engagement se réservent d’accorder des pensions de retraite aux ouvriers vieux ou infirmes qui se seront distingués par leur amour du travail et leur esprit d’ordre et de bonne conduite.

Article 12 : supplémentaire. Tous les ouvrier sont invités a placer leurs économies ,soit à l’achat de quelques parcelles de terrain, soit aux caisses d’épargne.

Une prime de 5 frs sera accordée par MM les propriétaires pour chaque 100 frs qui sera versé aux caisses d’Epargne.

Document donné par Mr François MAISTRE, probablement rédigé en l’an 1870.

Il apporte un éclairage intéressant pour ceux qui ne connaissent pas de prés les conditions difficiles des travailleurs de cette époque, conditions qui ont perduré encore de nombreuses années puisque vers les années 1920 ces horaires journaliers de 12 h pour les grandes personnes (mais mobilisant les personnes ne résidant pas à Villeneuvette pendant 15 heures) et de 8 a 9h par jour pour les enfants au dessus de 9 ans.

On peut ajouter que le repos du dimanche n’existait pas , mais à Villeneuvette on accordait une heure de repos pendant l’heure de la messe à l’Eglise du village, sans obligation d’assistance, à l’office religieux. Seul les enfants au dessous de 16 ans ne travaillaient pas les dimanches et jours de fête, d’après la loi du 22/3/1841, au dessous de 12 ans ils devaient justifier qu’ils fréquentaient une école, entre 21 h et 5h du matin, le travail de nuit était interdit aux enfants au dessous de 13 ans sauf panne ou réparations urgentes bans la région les travaux du textile occupaient 30% d’hommes, 45%de femmes, 25 % d’enfants (1)

Pour les Clermontais, Nébiannais, qui travaillaient à l’usine de drap de Villeneuvette s’y ajoutait le temps du trajet à pied pour y arriver. Il fallait partir à 4 h du matin, en hiver dans l’obscurité, on formait une chaîne ,oû agrippé à une corde, pour ne pas se perdre on suivait le premier de cordée muni d’un fanal alimenté au carbure(ou acétylène).

Les conditions sociales énumérées dans les divers articles étaient, parait-il meilleures que celles offertes par les drapiers de Clermont. Heureusement qu’il y avait les journées fêtées.

On peut remarquer, outre les remarques précises sur la bonne conduite et les bonnes mœurs exigées, le respect du au travail, les encouragements a l’épargne, justifiées par l’absence de retraite, mais surtout la grande novation qu’était la caisse spéciale affectée aux malades, infirmes et aux retraités, c’était une révolution qui présageait le futur mutualisme et la couverture sociale qui n’apparut que bien plus tard.

l)Thèse de Jean Montero : Subsistances et démographie 1974 (Page 47) Le textile Clermontais employait en 1840 1613 personnes (489 Hommes-729 femmes et 395 enfants.

LES AMIS DE VILLENEUVETTE : association pour la sauvegarde du patrimoine du village. Achetez sur leur site internet leurs publications sur l’église, le réseau hydraulique et le bati du village. Les bénéfices vont à la restauration du village et surtout de sa très belle église

Source: archives personnelles, « La cité de Villeneuvette » par le centre d’archéologie médiévales du Languedoc 1987, Villeneuvete par Suzanne Diffre

Sur place :

Village accessible et ouvert toute l’année, un hôtel restaurant « La Source » est ouvert de Pâques à Toussaint, une buvette est ouverte en saison. Il n’y a pas de distributeur de billet (Clermont l’Hérault est à 4 km). Des concerts ont lieu régulièrement dans l’église. Des artisans ont des ateliers ouverts en saison dans le village.

Des visites guidées sont proposées toute l’année  par l‘Office de tourisme du Clermontais et une balade sonore en autonomie et gratuite est disponible sur l’application Izi Travel

Crédits photos: P Hernandez 2018

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