UN CLERMONTAIS CÉLÈBRE : RENÉ GOSSE

René Gosse est une figure clermontaise qui s’est illustrée dans le monde des mathématiques mais également en tant que Résistant. Il fut doyen de la faculté de Grenoble. Il entra en résistance lors de la seconde guerre mondiale. La ville de Clermont lui rendit hommage en donnant son nom au Collège et à la principale rue de Clermont.

Etat civil :

René Gosse naît en 1883 à Clermont au 3 rue Victor Hugo oû vivait toute sa famille (1). Une plaque commémorative indique cette maison. Son père, Louis Gosse (1861-1940) était professeur d’Allemand au Collège de Clermont et sa mère, Laure Ramy (1862-1910) femme au foyer. Son père, très impliqué dans la vie publique et politique de Clermont influença son fils qui dés sa majorité, se lança également sur les traces de son père. Ce dernier fut maire adjoint, administrateur de l’hôpital et du théâtre, créa une Caisse d’Epargne ainsi que les bains publics. Il aimait l’art en général. René hérita de l’engagement public de son père et fut bercé par la politique et les affaires. En 1908, il se maria avec Lucienne Fabin, agrégée de physique, avec qui il eut un fils, Jean qui devint avocat.

Ses études :

Il fit de très brillantes études scientifiques et littéraires au lycée de Clermont. Toutes les matières l’intéressaient et il brillait dans toutes les disciplines. Il obtiendra d’ailleurs deux bacs en 1900 avec la mention très bien (philosophie et mathématiques). Passionné de littérature et de philosophie avec quelques amis, il créa dans la maison familiale un petit club de lecture ou il aimait écrire sur toutes sortes de choses. De plus, il avait une belle voix ce qui pour lui fut un atout à l’adolescence auprès les filles pour lesquelles il aimait chanter en échange d’un baiser ! Ses prédispositions lui valurent en 1902, une bourse de la mairie pour son admission à l’école polytechnique. Il partit étudier au lycée de Nîmes de 1900 à 1903 ou il prépara l’entrée à l’Ecole Normale Supérieure bien qu’accepté à Polytechnique. Il choisit la recherche et l’enseignement plutôt que l’ordre militaire de Polytechnique. Il entra à l’Ecole Normale Supérieure en 1904 ou il côtoya les mathématiciens de la Sorbonne à la réputation mondiale. Ses études poussées l’amenèrent à l’agrégation en 1907. Malgré ses capacités impressionnantes, il se tourna en 1909 vers l’enseignement en province au grand dam de ses mentors qui voyaient en lui un futur prix Nobel de Mathématique. Il présenta une thèse à la Sorbonne en 1921 où il reçut la mention de « très honorable ». Sa passion pour ses recherches faisait lui faisait passer des nuits blanches à travailler, c’était un « bourreau de travail ». Il fit son service militaire en 1904, ce qui l’éloigna un an des bancs de l’école Normale. Il eut comme camarade de chambrée, un de ses amis clermontais

Sa carrière de professeur :

Sa carrière de professeur à Montluçon (1907), Rennes (1908), Rochefort, puis de retour de la première guerre il enseigna à Bordeaux. Après la réussite de sa thèse en 1921, il postula pour un poste de maître de conférence dans une université. Il choisit Grenoble. Il devint un professeur réputé tout en continuant ses recherches scientifiques. Il resta enseignant de 1923 à 1943, donna de nombreuses conférences scientifiques en France et dans le monde (Italie, Russie, Espagne…). L’académie des Sciences lui attribuera le prix « Carrière » qui est la plus haute distinction de l’académie pour son œuvre mathématique.

Sa carrière politique :

Influencé et initié dès son plus jeune age par son père à la politique, il adhérera à la S.F.I.O en 1905 . Surnommé « le doyen rouge » pour ses prises d’opposition au sein même du parti ou il se disait à droite. Il combattit le nazisme d’entre-deux guerres. Il fut influent sous le Front Populaire dans sa ville de Grenoble mais aussi au-delà. Mais c’est durant la seconde guerre mondiale qu’il eut le rôle politique le plus important de sa vie qui entraîna sa mort.

La première guerre mondiale :

Il fut mobilisé lors de la première guerre et blessé comme tant d’autre, à la bataille de la Marne ce qui lui valut d’obtenir la Croix de Guerre. Il était adjudant d’un contingent qui fut bombardé. Après s’être fait soigner, il se retrouva en convalescence dans plusieurs hôpitaux ou il ne restait pas les bras croisés. Lors de son séjour à l’hôpital de Compiègne, il se consacra à l’aviation et à la défense terrestre (il y avait une base aérienne à coté). Mais ce ne fut pas simple, sa hiérarchie ne le prenant pas au sérieux et il fut sanctionné et envoyé une nouvelle fois au front à Verdun durant quelques mois. Ensuite, il fut appelé comme professeur de topographie à l’école de Fontainebleau lorsque les français se sentaient menacés, les généraux militaires décidèrent de s’entourer d’intellectuels pour mener la riposte. En 1917, il perfectionna un appareil de repérage au son de l’avion ennemi de nuit( l’ancêtre du RADAR), inventé par le commandant Perrin permit aux troupes françaises de mieux se protéger et notamment la ville de Paris. Directeur de la station d’expérience de Saint Cyr, il se déplaçait souvent sur les champs de bataille afin d’ améliorer sa machine. Il obtint pour cela à la fin de la guerre : la légion d’honneur

Un grand universitaire :

Il sera élu doyen de la faculté des Sciences de Grenoble en 1927 et le restera jusqu’en 1940. En 1928, il fut nommé directeur de l’institut polytechnique et de l’école de papeterie. En 1929, il sera élu sur la liste socialiste du maire de Grenoble et chargé de l’éducation. Les locaux de cette université étant trop étroits, il se bat pour la faire agrandir et ainsi recevoir beaucoup plus d’étudiants et améliorer la recherche. Il y parvint et fit de Grenoble une capitale de recherche scientifique, devant Paris. Il deviendra membre du Conseil Supérieur de l’Education Nationale, participera en 1933 à la création du C.N.RS et en 1934 sera le représentant des chercheurs mathématiciens français. Il écrira de nombreux articles dans des revues spécialisées.

La seconde guerre Mondiale :

René Gosse, mobilisé en 1939 en tant que scientifique suite à ses découvertes lors de la première guerre, n’était pas un simple soldat. Il était directeur d’un groupe de recherches scientifiques rattaché à l’université de Grenoble. Il soutint De Gaulle après l’appel du 18 juin 1940. Gosse se rendit à Vichy pour procéder à l’élaboration de la liste d’admission à l’école navale. Malgré son coté « gaulliste » affirmé, il fut très bien reçu par le régime pétainiste qui reconnut son grand talent de mathématicien. Pourtant à son retour à Grenoble, il eut la mauvaise surprise de voir que tous ses titres, toutes ses fonctions lui avaient été retirés par le régime de Vichy à cause de son appartenance politique. Il redevint un simple professeur. Il fut membre des Forces Françaises libres. Il obtint la Croix de Guerre.

Son entrée dans la Résistance :

La villa « la Bérengère » qu’il possédait à la Tronche (Isère) avec sa femme Lucienne devint un lieu de rendez-vous des résistants, une étape vers l’exil mais également une cachette pour les juifs. En 1942, il rentra dans un réseau de résistance nommé « Marco Polo » et « Jade Amicol ». Ces réseaux accueillaient de nombreuses personnalités publiques importantes (politiques, professeurs…) dont il se fit des amis. En 1943, le S.T.O devint obligatoire pour tous les jeunes nés entre 1921 et 1923 qui entraîna un grand exode de la jeunesse de ces classes. Beaucoup de ces jeunes s’enfuirent risquant d’être rattrapés et emprisonnés voire exécutés. Les mouvements de Résistance décidèrent de fusionner en 1943 en Isère sous le nom de M.U.R (Mouvement Unis de la Résistance). Gosse recueillait les informations des différents mouvements résistants (les maquis) : « Combat », « Francs-tireurs » avec lesquels il était lié. Son combat de résistant l’amènera à une mort précoce. René Gosse et son fils (résistant également avec son père) vont être arrêtés dans leur maison par la Gestapo et exécutés le 22 décembre 19 43 près de Grenoble. La mort de René Gosse fut annoncée le lendemain dans les médias de l’époque à la stupeur de tous. Des hommages nombreux furent redus à ce scientifique héroïque qui dévoua sa vie à sa passion mais aussi à son pays. En 1945, le général De Gaulle lui décernera à titre posthume : la médaille de la Résistance et son fils Jean sera cité à l’Ordre de la Nation.

Son attachement à sa ville natale :

René Gosse garda toujours un souvenir bienveillant de sa ville natale. Bien que l’ayant quittée pour poursuivre ses études, il devint président d’honneur de l’amicale des anciens élèves du Collège. Jeune, il aimait beaucoup le théâtre de Clermont, allait à toutes les représentations et se délectait des opérettes qu’il connaissait par cœur. Sans doute était-il envoûté par la magie d’être sur scène mais trop timide à cette époque pour jouer. A la même époque (début XX°)il écrivit dans « La cigale clermontaise » qui était une revue littéraire et artistique bimensuelle. Voici quelques vers d’un de ses poèmes :

« L’été s’en va »

« Le splendide éventail du soleil se reploie…

Par le gazon menu des jardins somptueux,

Les suprêmes rayons glissent, voluptueux

Comme des doigts gourmands attardés dans la soie.

Ils s’alanguissent, longs et lents… et l’on dirait

Qu’ils ont peur de ne pas revenir des nuits sombres ;

Leur divine clarté frissonne au seuil des ombres

Et leur caresse oblique est lourde d’un regret…

…Et les tiges des fleurs infléchissent leur ligne,

Défaillantes sous ce baiser de long adieu…

Et les rayons, montant toujours dans le soir bleu ,

A gravir le flanc brun des coteaux se résignent.

Par la bruyère rose et les touffes de thym

Dans la vasque de roc, ou, d’un reflet s’allume

L’au claire qui descend vers la plaine et la brume,

Ils s’oublient un instant, joyeux comme au matin…

…Enfin sur les vapeurs que les brises emportent,

Ce sont des larmes d’or qui tremblent au ciel pur :

L’astre, qui dans le temps, voit le destin obscur,

Pleure déjà les fleurs qui, demain seront mortes. »

Au décès de sa mère, il n’avait plus d’attache familiale à Clermont et n’y revint que quelques fois. Son dernier séjour chez nous se déroula en 1940 pour l’enterrement de son père. En 1961, Lucienne Gosse, son épouse, créa une « dotation René Gosse » gérée par la Caisse d’Epargne et le Collège pour encourager les meilleurs élèves par des prix ou des bourses.

Des hommages :

A la libération, les amis de Gosse ne voulurent pas que leur ami tombe dans l’oubli mais soit traité comme un héro de la résistance. De nombreux monuments furent érigés en son honneur en Isère et notamment un mémorial sur la route il fut assassiné avec son fils. A Grenoble en 2000, une statue fut érigée en son honneur. A Clermont, le lycée porte son nom ainsi qu’une des artères principales de Clermont (la rue Nationale pour les anciens clermontais). En 2001 , deux plaques commémoratives ainsi qu’un buste ont été inauguré lors d’une journée du souvenir en sa mémoires à l’instigation de Georges Blanc qui fit un travail remarquable de recherche sur lui.

Patrick Hernandez

Sources :

Fascicule du GREC n°107-108-109, premier semestre 2002

René Gosse 1883-1943 le Clermontais le plus célèbre du XX°siècle par Georges Blanc 2001.

Articles de Midi Libre

Internet : wikipedia, annales de l’université de Grenoble, www.resistance-en-isere.com,

Notes

1) Cette maison au 3 rue Victor Hugo vit également naître Gaston Combarnous (12 avril 1892) ainsi que Benjamin Valette, tous les deux de grands écrivains clermontais

 

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